En France le roi Louis XIII, grand guerrier, fumait la pipe. Son fils XIV, qui ne fumait pas, faisait néanmoins distribuer des pipes aux armées, et Vauban prévoyait toujours des provisions de tabac dans ses forteresses. Mais sans doute était-ce surtout pour pallier les carences alimentaires des garnisons mal approvisionnées.

Louis XIV détestait l’odeur du tabac, et personne ne se permettait de fumer en sa présence, sauf Jean Bart, un jour qu’il avait été demandé en audience à Versailles.
Se présentant de bon matin, il trouve l’antichambre du roi pleine de courtisans le regardant de haut, s’écartant de lui et le montrant du doigt en riant. Seul, de toute la cour, le corsaire ne peut passer la porte de la chambre du roi : la hallebarde du garde s’abaisse devant lui lorsqu’il se présente. Qu’importe, il hausse les épaules, « tire une pipe de sa poche, la bourre consciencieusement et, battant le briquet aussi tranquillement que s’il était à son bord, se met à lancer des bouffées au nez des courtisans effarés, sans répondre aux avertissements du garde de la porte ».
De sa chambre, Louis VIV perçoit l’odeur du tabac, et demande qui se permet de fumer dans ses appartements.
« Sire, lui répond-on, c’est une espèce de marin qui prétend avoir une audience de sa Majesté. »
Le visage du roi s’illumine : « Il n’y a que Jean Bart, s’écrie-t-il, qui soit capable de cela ! » Et il ordonne de le faire entrer.
« Savez-vous, Jean Bart, lui dit-il, qu’il n’est permis à personne, si ce n’est à vous, de fumer chez moi ?
-je savais, sire, répond-il, que le roi pardonnerait à un serviteur prêt à se faire tuer pour Sa Majesté une vielle habitude acquise à son service. »


Le Bon Tabac, Traité sur les bienfaits du tabac Par Stéphane Hoffmann chez Albin Michel